Lorsqu'il édite, à l'aube
des années 20, ses premières
cartes postales, Alex ACCOLATSE
est déjà un un photographe
professionnel actif et connu à Lomé.
Sa carrière de photographe
débute à la fin du
XIXème au Ghana avec le
métis Lutterodt et se poursuit
dès 1900, à Lomé où il
s'installe. Elle durera plus d'une
cinquantaine d'années. Lorsque
sa carrière de photographe
s’achève, 1955-56,
il confie son studio à l’un
de ses neveux qui prendra le relais,
avant de revendre le sudio pour
entrer au Ministère de l’information.
Il s'éteint le 12 mars 1975, à l'âge
de 95 ans.
A.
ACCOLATSE fait partie, de par
ses origines familiales, des
notables du monde traditionnel
et moderne togolais : son père
Togbui Joachim II Acolatse est
en effet un des chefs de villages
fondateurs de la capitale, Lomé,
et ses frères feront de
brillantes carrières dans
l'administration coloniale (laquelle
sera successivement allemande,
anglaise ou française).
Ce sont de grandes figures influentes
oeuvrant dans les domaines politiques, économiques
ou religieux . L'un d'eux, son
frère aîné Robert
Fiamawule, interprète,
puis aide de camp du gouverneur
allemand, ensuite greffier-interprète
au cours des périodes
allemande et anglaise, succédera à son
père sur le trône
vacant.
Après avoir, au cours de
la période anglaise qui
s'achève, fait partie de
la jeunesse aisée et "class" de
la ville, qui s'exprime en particulier
au sein de l'associaton de jeunes
notabilités les "Philosophers
of the living Fire", A. Acolatse
se trouvera membre du Conseil des
notables institué en 1922
par le gouverneur français
Bonnecarrière. Il y retrouvera
là l'un de ses frères,
Alfred Sekloawu, personnalité politique
reconnue, plusieurs fois élue
au sein de cette institution. Sans
avoir un rôle politique important
dans la société loméenne,
A. Acolatse reste une personnalité forte
de cette bourgeoisie de l'entre
deux guerre: membre de l'église évangélique
allemande de Brême , il sera également
institué haut dignitaire
de la franc-maçonnerie.
On notera enfin le rôle d’A.
ACCOLATSE dans le développement
des métiers de la photographie
togolaise, qui souligne son esprit
d’ouverture, sa sociabilité,
et sa modernité : il forma
plusieurs apprentis, qui devinrent
professionnels, et fut président
pendant de longues années
de l’Association des Photographes
Professionnels de Lomé.
L'œuvre photographique d'A.
ACCOLATSE se caractérise
par quelques grandes orientations.
Il est d'abord un témoin
privilégié de l'évolution
urbaine de Lomé, au moment
des phases essentielles de sa croissance,
dès le début du siècle.
Il est aussi, et surtout, de par
sa position sociale, un photographe
introduit dans la société bourgeoise
et aisée, et consacre donc
une grande partie de son travail à cet
environnement immédiat,
aux cérémonies officielles
politiques ou religieuses, aux
réunions politiques, qui
marquent ce milieu.
Photographe
professionnel, il couvre par
ses reportages les manifestations
familiales, l'univers social et
quotidien togolais: mariages ou
funérailles, remise de diplômes,
manifestations populaires ou sportives,
et se spécialise dans les
portraits de groupes pour des collectivités
prestigieuses (corporations, associations
politiques, autorités judiciaires,
fanfares…) ou non. Il est
donc un chroniqueur d’une
vie publique où les groupes
constitués prennent une
importance notable. Ses photographies
soulignent la puissance de certains
d’entre eux, et l’intensité d’une
vie politique et sociale héritée,
en partie, du mode anglophone d’organisation
du pouvoir.
Enfin,
son studio accueille des notables,
dont les photographies
exhumées sont hélas
trop souvent anonymes.
Mis
en scène sur fonds
fleuri, chaises de style, rideau
pesant ou balustres, dans le style
des portraits cartes européens
d’autrefois, ces portraits
permettent d’apprécier
les mouvements d’une mode
féminine et masculine adoptée
par une société bourgeoise
influencée par l’étranger,
mais aussi créative dans
ses excès.
ACCOLATSE
est aussi un photographe de cartes
postales. Sa production,
dans le goût classique de
l’époque, a été réalisée
principalement dans les années
vingt, au cours de la période
sous responsabilité française.
Elle comporte une centaine de cartes,
en noir et blanc, dont les 2/3
environ sont recensées par
Ph. DAVID. Ces cartes se regroupent
en deux séries, la plus
ancienne - une vingtaine de documents-
n'étant pas numérotée
. Une carte historique fait côtoyer
les drapeaux de l’Union Jack
et français au moment du
changement d’autorité en
1920. Une autre souligne, comme
dans plusieurs photographies relatives
aux associations-corporations ,
l’apparat en vigueur à l’époque,
notables en tenue de cérémonie,
avec écharpe en bandoulière,
lors d’une visite officielle
chez le gouverneur. Il s'attarde
aussi sur des manifestations sacrées,
quelques notables , des personnages
ancrés dans la tradition,
et propose des vues documentaires
et pittoresques de Lomé,
et de quelques petites agglomérations
proches (Atakpamé, Quittah
en Gold-Coast (Ghana)
Parfois
enregistrées d'un
point de vue élevé (depuis
le temple protestant par exemple),
ces images permettent d'évaluer
la topographie de la ville, son
expansion, son organisation. Les
paysages urbains, vus du sol, identifient
l'essentiel : principales voies
de communication, avenues, rues,
bâtiments administratifs,
religieux, le port et les bateaux...
Elles constituent autant de représentations
qui permettant de visualiser l'évolution
spaciale et les fonctions urbaines
de la capitale, et de noter la
variété des approches
du photographe. Ces différentes
images complètent une œuvre
générale marquée
par une forte valeur historique
et sociale, et soulignent en particulier
l’importance des groupes
de pouvoir dans le réseau
des solidarités togolaises. |