samedi
20 mai 2000, par Ali Attar
Auteur
de très nombreux
portraits photographiques dans
les années 1950, Mama Casset
fut un artiste laissant une galerie
exceptionnelle. Son oeuvre est
le témoignage sensible d’un
Sénégal disparu.
Mama Casset n’est pas seulement,
historiquement, le premier photographe
indépendant du Sénégal
: c’est aussi un véritable
artiste, révélé par
l’exposition lors du mois
de la photographie de Dakar en
1992 de plusieurs dizaines de
ses portraits réalisés
dans les années 1950.
Quelques mois avant cette exposition,
le vieil homme décéderait,
ignorant cette reconnaissance
posthume de son oeuvre.
Les
Editions de la Revue Noire ont
repris au
format de poche cette
galerie exceptionnelle où la
société noire de
Dakar pose pour la postérité.
Mama Casset était en particulier
réputé pour ses portraits
de dames, et leurs coiffures, comme
leurs robes, sont toujours soigneusement
apprêtées pour l’occasion
exceptionnelle que constitue le
passage par le studio du photographe.
Les
poses sont précisément
calculées, le cadrage longuement
préparé : certaines
sont venues à deux, ou trois,
voire en bande : des amies, des
soeurs, des voisines ? Avec qui
avaient-elles choisies d’être
ainsi immortalisées ? Les
sourires sont parfois timides,
parfois provocants, ou au contraire
un peu inquiets, comme si l’issue
de la photo était incertaine,
peut-être dangereuse. Certaines
au contraire se prêtent au
jeu avec le naturel désarmant
de l’enfance, amusées
de l’aventure, comme ces
deux soeurs qui paraissent saisies
dans une chorégraphie classique,
se relevant gracieusement dans
un océan de taffetas où se
distinguent mal les contours de
leurs deux robes.
D’autres poses ont été conçues
pour mettre en valeur les dessins
des robes de fête dans lesquelles
les clientes étaient venues
pour la se faire photographier
: ainsi cette belle jeune femme
de profil, penchée vers
l’avant sur un tabouret dont
on ne distingue qu’un pied,
et qui déploie l’immense
rosace centrale d’un tissu
dont le noir et blanc du cliché dissimule à grand
peine le chatoiement originel.
Quelques
couples, également,
dans cette galerie de dames : peu
de photos donnent autant le sentiment
d’un temps disparu, mystérieusement
ressaisi. Deux frères, sans
doute, l’aîné et
le cadet, le première vêtu
d’un costume traditionnel,
le second en costume européen,
un stylo glissé dans la
poche de sa veste : il se tiennent
un peu maladroitement la main,
comme s’ils se disaient au-revoir,
sur cette image qui les rapproche
pourtant pour l’éternité.
Mais cette image dit leur histoire,
mieux qu’un roman ou un rapport
d’enquête... Enfin
quelques hommes seuls, dont la
pose, le vêtement, la montre,
le sourire, disent la satisfaction
qu’ils retirent de leur réussite.
En
bref, toute l’humanité retrouvée
: Mama Casset, c’est Proust à Dakar.
Mama
Casset, les précurseurs
de la photographie au Sénégal,
Editions de la Revue Noire.
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