Cheick
Diallo, designer de grand talent
Par Pierre Gam http://www.grioo.com
La
première
chose par laquelle on est frappé,
lorsque l’on rencontre Cheick
Diallo, pour la première
fois, c’est la simplicité et
l’humilité qui se
dégage de sa personne. La
marque des Grands. Derrière
ce sourire sympathique et chaleureux,
se cache l’un des designers
africains, les plus doués
de sa génération.
On peut dire qu’avec un grand-père
dans la construction et un père
architecte, c’est tout naturellement
que Cheick, l’âge venu,
s’oriente vers des études
d’Architecture, tradition
familiale en somme.
A l’époque, c'est-à-dire
au début des années
80, il n’y a pratiquement
pas d’écoles d’architecture
en Afrique centrale, son père
décide donc, de l’envoyer
faire ses études en France.
Il s’inscrit à l’Ecole
d’Architecture de Normandie, à Rouen,
dont il sort diplômé en
1991.
Son
diplôme d’architecte
DPLG en poche, Cheick descend sur
Paris pour compléter sa
formation à l’ENSCI
(Ecole Nationale Supérieure
de Création Industrielle),
l’une des plus prestigieuses écoles
de Design française. Bien
que n’étant pas un
novice dans la discipline, pour
l’avoir déjà abordée
dans le cadre de sa formation d’architecture,
c’est pourtant, durant son
passage à l’ENSCI,
qu’il découvre véritablement
ce qu’est le métier
de designer.
Dès l’année
93, Cheick Diallo commence à exercer
le design et l’architecture
en free-lance. L’engouement
n’est pas immédiat,
ses réalisations étant
jugées « trop «africaines »,
au goût des éditeurs
de meuble qu’il démarche. « La
plupart des designers occidentaux,
font tous la même chose et,
je ne vois pas l’intérêt
de faire du design, si c’est
pour refaire ce qui existe déjà »,
résume t-il. C’est
donc fidèle à la
célèbre phrase de
Cocteau « Ce que l’on
te reproche, cultive le »,
qu’il poursuit ses recherches,
persuadé qu’en définitif,
seule la qualité du travail
compte. On ne tarde pas à lui
donner raison, puisque très
vite, son travail est remarqué pour
son originalité.
Il commence à exposer en
France et à l’étranger,
et se voit primer à de nombreuses
reprises, pour la qualité et
la pertinence de son travail.
Cheick
explore des territoires où encore très peu étaient
allés avant lui. Il n’y à qu’à voir,
pour s’en convaincre, le
mobilier qu’il a réalisé pour
l’exposition « Africa
remix ». Celui-ci transpire
quelque chose de profondément
africain, bien loin de l’image
caricaturale et fantasmée
qu’ont certains occidentaux
sur l’Art africain et l’Afrique
en général, mais
plutôt celle d’une
Afrique urbaine et contemporaine,
rythmée et vibrante.
Une réalité, dont
Cheick est à la fois le
témoin et le passeur. Ce
Diallo est un griot, mais sa parole à lui,
s’incarne dans la matière
et dans la forme, c'est-à-dire
au cœur même de l’objet.
Il
produit un design qui nous offre à voir et à ressentir
l’Afrique telle qu'elle est
aujourd’hui, grâce à des
notes d’humours qu’il
distille ci et là, et grâce à la
fraîcheur d’un regard,
le sien. Caractéristique
majeure, tous ses projets sont
conçus à Rouen (la
ville où il vit), mais sont
réalisés au Mali,
en partenariat avec des artisans
locaux, qui en plus d’un
savoir-faire et d’une maîtrise
technique exceptionnelle, travaillent
avec des coûts défiants
toutes concurrences, ce qui lui
permet d’entretenir un va
et vient constant, entre l’idée
du projet et son expérimentation
physique et concrète.
Passage
obligé, de la confrontation
de l’idée et de la
matière, dont le verdict
seul, détermine de la fiabilité et
de la viabilité du projet.
Conscient de la chance qui est
la sienne, Cheick Diallo a décidé de
se rapprocher du gouvernement malien,
pour valoriser les savoir-faire
locaux et faire découvrir à des
designers venus d’Europe,
professionnelles ou en cours de
formation, le Design vue du coté africain,
au travers de workshops, qu’il
organise à travers l’Afrique.
Des moments privilégiés
d’échanges et de rencontres.
Il n’y à pas à proprement
parlé, d’enseignement
du Design en Afrique, les designers
actuels étant pour la plupart
des autodidactes, cependant il
existe une tonalité esthétique
et spirituelle, propre à ces
designers, qui doit prendre la
place qui lui revient de droit
sur la scène du Design mondiale.
Membre de l’ADA (l’Association
des Designers Africains), depuis
la première heure, il en
est le président depuis
2004.
Et
je crois qu’on peut dire,
qu’avec une présidence
comme celle là, le Design
africain, s’est choisi un
ambassadeur de premier choix.
Où puisez
vous votre inspiration ?
« Si la rue, pour moi, est
une source d’inspiration
et un laboratoire de recherche,
un fil conducteur sous-tend cependant
mon travail. C’est celui
de la confrontation permanente
de la réalité et
du passé culturel. Ma pratique
se nourrit de l’observation
quotidienne des manières
de faire, des matériaux
accessibles, écologiquement
intéressants et des processus
de production, afin de créer
de meilleurs produits. C’est
de cette quête que sont nés
les projets Rebeus, Segou, Bamako
etTressée issus de ma collaboration
avec plusieurs artisans. Mon objectif
est de concevoir des objets avec
comme seule donnée préalable
le choix du matériau, m’obligeant
ainsi, avec l’artisan associé, à chercher
les moyens appropriés pour
en exploiter le potentiel. Les
considérations formelles
sont reléguées au
second plan ».
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