Farida
Hamak : Ma mère, histoire d’Une
immigration
© Farida
Hamak "Je suis
née dans la guerre",
dit Farida Hamak de sa terre d’origine
: l’Algérie. En 1956,
elle a six ans lorsque ses parents
s’installent en France. Issue
de la "seconde génération",
prise entre l’Algérie
et la France, elle vit le choc
de deux cultures. Elle sera étudiante à la
Sorbonne au début des années
70, puis bibliothécaire à la
Sorbonne Paris III jusqu’en
1982. C’est un tour du monde
et le hasard - un appareil photo
acheté à Singapour
- qui la mènent à la
photographie. En 1977, un retour
en Algérie sert de déclic
: elle est photographe. La même
année, elle commence à photographier
sa famille sans savoir que ce travail
au coeur de l’immigration
prendra la forme d’un livre
et d’un film. Membre de l’agence
Viva dès 1980, elle s’installe à Damas
et à Beyrouth où,
de 1982 à 1984, elle couvre
la guerre civile libanaise pour
Newsweek. Elle publie Paix en Galilée,
Beyrouth 1982 aux éditions
de Minuit - un ouvrage collectif
avec des photographes de Sipa Press.
Elle est photographe pour le film
libanais Une Vie Suspendue de Jocelyne
Saab. À son retour du Liban,
elle couvre l’OLP en exil,
la condition de la femme au Sultanat
d’Oman, puis réalise
un reportage à Bagdad sur
le fils de Saddam Hussein, Hoddai,
avant d’arrêter la
photographie politique. En 1987,
elle est photographe de mode. En
1990, elle intègre, au titre
de photographe et rédactrice
en chef de mode, le bureau parisien
d’Al Khaleejiah - premier
groupe de presse du Moyen-Orient.
Revenue au reportage en 1999, elle
effectue des séjours réguliers
en Algérie et travaille
sur divers aspects de la société algérienne.
Depuis 2003, de retour au Moyen-Orient
- Syrie, Palestine, Irak, Liban,
Jordanie -, elle reprend son travail
sur les traces commencé en
1982. Ses photos paraissent dans
Nazar (Éditions Nooderlicht,
Hollande, 2004), ouvrage collectif
qui réunit les reportages
de photographes arabes. Parallèlement,
elle publie son premier livre,
Ma mère, histoire d’Une
immigration (Maisonneuve et Larose,
Collection Zellige, Paris, 2004). À la
fois intime et pudique, l’hommage
fait à sa mère permettra
sans doute à beaucoup de
femmes de se reconnaître.
“
J’ai commencé à photographier
ma mère un jour d’été 1977
après une longue rupture.
Ces images ont été comme
un pont posé entre nous.
Elles m’ont permis de revisiter
les lieux de mon enfance jusqu’à ce
jour de 1956 où nous avons
quitté l’Algérie
pour la France. Je suis née
en Algérie, en 1950, dans
la Mitidja. Je suis née
dans la guerre. Plus tard, je suis
allée m’y confronter,
ailleurs, au Liban, en Irak, en
Palestine. J’ai photographié les
conflits, la souffrance. Pourtant,
rien ne m’a semblé plus
difficile que ce travail sur ma
famille. Même s’il
m’a donné du bonheur.
Dans notre famille, parler de soi,
se donner à voir, n’est
pas coutumier. La photographie
m’a appris à oser
dire. À braver cette pudeur
familière à mon éducation,
tout en la respectant. Là où la
parole se taisait, mes images,
elles, ont choisi de parler. J’ai
voulu écrire en images une
mémoire des origines. Notre
famille, son éclatement,
son évolution jusqu’à l’éclosion
de la troisième génération.
Le choc des deux cultures, algérienne
et française, puis leur
conciliation. À travers
l’espace nécessaire
de la photographie, ma mère
est devenue une femme, qui, sans
le mesurer, parle des mères
et de leur audace (parfois forcée) à changer
les choses. Je rends ici hommage à son
courage et à sa dignité,
ainsi qu’à toutes
les femmes de sa génération
déracinée. Son déracinement
m’a construite. ”
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