Notes
Des
restes de corps épars,
rongés par le feu, noircis
par les flammes… Des hommes
et femmes manifestement surpris
par l'horreur, affalés
à même le sol ou
coincés dans leurs fauteuils,
derrière des écrans
d'ordinateurs eux aussi calcinés…
Des moniteurs, sur lesquels seule
quelque tête de mort souriant
triomphalement semble avoir échappé
à l'hécatombe. Dans
ce tas de débris, on aperçoit
perché sur une échelle,
ou plus exactement ce qui en reste,
un squelette d'homme figé,
sans doute rattrapé dans
sa fuite par les flammes meurtrières.A
près de 12 000 kilomètres
des Etats-Unis, Malam, plasticien
de 34 ans, restituait ainsi dans
une installation à l'espace
Doual'art, dans la capitale économique
du Cameroun, sa vision de la catastrophe
du 11 septembre 2001. "Dans
le passé, seule une catastrophe
naturelle ou accidentelle pouvait
justifier de telles horreurs.
Aujourd'hui, c'est l'homme lui-même
qui se détruit, le monde
est cause de sa propre destruction".
Un point de vue qui pousse l'artiste
camerounais à renvoyer
au monde, sans aucune censure,
l'insoutenable image de sa barbarie.
"On n'a peur que si on voit
autant de mal", plaide-t-il.
Et les neuf pièces de ''11092001'',
montées quelques semaines
après les attentats et
exposées du 6 au 20 novembre
derniers, avaient de quoi inspirer
plus que la peur. Mélange
de plâtre, de résine,
d'argile, mais aussi de matériaux
de récupération
(les débris de vraies incendies
par exemple), les sculptures reçoivent
une couche d'enduit noir avant
de subir les affres d'une combustion
provoquée par le plasticien.
Le mouvement qui se dégage
de l'ensemble rend l'horreur d'autant
plus saisissante. "On voit
bien qu'il y a eu bousculade,
on sent bien que les gens ont
besoin de vivre. Le sapeur-pompier
qui se fait brûler sur l'échelle…
la vie nous échappe, puisque
même celui qui venait sauver
les autres va mourir. Quand l'homme
commande la mort, il est difficile
de l'arrêter" .Avec
cette deuxième exposition
individuelle, Malam s'est définitivement
construit une réputation
de Stephen King des arts plastiques
au Cameroun. Au cours de Squat'art,
un atelier qui, au tout début
2001, avait regroupé à
Douala une vingtaine de plasticiens,
la première installation
de Malam mettait en scène
une espèce de monstre humain
sanguinolent, la nuque fracassée,
suspendu -la tête en bas-
à un plafond défoncé.Et
si l'on s'étonne d'une
telle récurrence de l'horreur
dans son œuvre, le jeune
plasticien ne manque pas d'arguments
: "Nous vivons dans cette
constance, le monde vit dans cette
constance. Quand tu mesures en
terme de proportions l'équilibre
entre les sujets des différents
journaux télévisés
ou audio, on parle plus de guerre
que d'autre chose. Comme si on
nourrissait l'homme de ce mal".
Douala,
Yvonne Monkam