Notes
François
Thango, peintre d'une rive à
l'autre du fleuve Zaïre,vécut
à Brazzaville, où
il était né en 1936,et
à Kinshasa. Sa mère
était originaire de Cabinda,
enclave angolaise dans le Zaîre,
et appartenait à la tribu
des Bawoyo alors que son père
venait de la région de
la Senga et était de nationalité
camerounaise. François
Thango rencontra l'orientation
définitive de son destin
quand, parmi les nombreux aspirants
qui gravitaient autour de lui,
Pierre Lods le retint dans le
groupe des jeunes peintres avec
lesquels il fonda en 1951 l'école
de Poto-Poto. Les peintres de
Poto-Poto, assidus à l'atelier
le jour, menaient joyeuse vie
le soir dans les cafés
et les bals de la capitale congolaise.
Durant cette période, Thango
interrompait "sa vie d'artiste"
pour de fréquents séjours
en forêt, retour à
la vie ancestrale, source de la
luxuriance animale et végétale
de ses toiles futures.
De 1955 à 1959, il vit
avec une métisse, Mama
Cody, dont il était très
épris. Il devra s'en séparer,
car, trop âgée, elle
ne peut lui assurer une nombreuse
descendance, richesse et impératif
tribal. Il épouse alors
une femme Bacabinda comme sa mère,
qui lui donnera cinq enfants.
En 1958, Il est envoyé
par Pierre Lods à Bruxelles
pour y représenter l'école
de Poto-Poto à l'Exposition
Universelle. Après quelques
ennuis avec les autorités
de Brazzaville, il traverse le
fleuve Zaïre pour s'installer
en 1959 à Léopoldville,
l'actuelle Kinshasa et y rejoint
les artistes que le mécène
Maurice Alhadeff soutient et encourage.
Son art est alors en pleine maturité,
et c'est dans la capitale du Zaïre
qu'il réalisera ses oeuvres
les plus personnelles. Thango
travaillait chez lui, très
souvent entouré de curieux
ou de débutants comme le
peintre Ngombo.
Isolé
par la force de son inspiration
de l'intense et bruyante explosion
de vie qui jaillit de chaque rue
de Kinshasa, il avait une étonnante
capacité de travail et
peignait chaque jour, préférant
la toile à l'unalit, aggloméré
d'usage courant chez les artistes
kinois.Bien souvent de dimensions
impressionnantes (6, 8 m ou même
11 m de long), les toiles étaient
montées sur cadre et posées
à plat sur des tables.
L'absence
de structures opportunes, alliée
au peu d'intérêt
suscité par le marché
de l'art pictural à l'époque,
tant dans le milieu des expatriés
que parmi les Zaïrois, faisait
du mécénat une véritable
providence pour les artistes,
incapables d'écouler seuls
leurs oeuvres pour subsister.
Avec Maurice Alhadeff, Thango
avait déniché un
mécène expérimenté
dont la mort, en 1972,laissa Thango
fort démuni. La période
Alhadeff fut extrêmement
bénéfique pour Thango.
Grâce aux relations de son
mécène, les oeuvres
de Thango traversaient l'Atlantique.
En 1961, six d'entre elles sont
présentées à
New York. il expose également
en Europe et reçoit à
Paris le prix UNICEF. François
Thango quitte définitivement
Poto-Poto en 1978 mais reste à
Brazzaville où il meurt
en 1981.
Les valeurs d'homogénéité,
de sureté de ligne, d'harmonie
des couleurs et de dynamisme distinguent
sans conteste l'oeuvre de Thango.
Dès
que son style définitif
est acquis, il opte pour une composition
en à-plats et en cernes
presque uniformément bidimensionnelle.
A peine, de temps à autre,
introduit-il un doublement de
trait ou quelque manière
sobre de modeler les objets qu'il
étale en surfaces colorées.
L'art nègre de Thango n'est
nullement obsédé
par la traduction de la perspective.
Cette fidélité à
une peinture sans troisième
dimension, qui situe l'arrière-plan
au niveau des objets, des personnages
ou des monstres, le décide
à n'introduire dans la
mosaïque des surfaces que
de rares détails intérieurs,
cercles, franges, dents, qu'il
inscrit d'ailleurs dans une technique
parfaitement homogène à
celle de l'intérieur des
cernes. Entre les quatre droites
qui délimitent le champ
du tableau, la densité
colorée reste parfaitement
uniforme et, la plupart du temps,
souverainement équilibrée.
Par les cernes, la ligne acquiert
une importance capitale.
Les
contours continus dessinés
sur la toile, par lesquels Thango
crée les compositions du
tableau, se réduisant le
plus souvent en traits noirs peu
épais, entre lesquels il
distribue la couleur, sont ensuite
repassés par une ligne
souple au pinceau. Ils assurent
le découpage de l'espace
et participent superbement aux
métamorphoses des figures
qui s'encastrent les unes dans
les autres. Les couleurs sont
franches et gaies. Typiquement
africain dans son inspiration,
dans la spontanéité
de ses découvertes et le
rythme de ses compositions, l'art
de Thango s'inscrit, par l'universalité
des valeurs dont il est porteur,
dans la dynamique des grands mouvements
de la peinture moderne.