Les
tableaux de Seyni Gadiaga touchent, émeuvent,
bousculent, parce qu'ils véhiculent
de pair un souffle et une pensée,
des images surgies de l'intemporel
comme de l'informulé. Gadiaga
est sans doute un peintre abstrait.
L'observateur attentif
n'y verra pourtant pas que du
feu, que des
couleurs qui flambent à la
lumière.
Certes, il est assez rare qu'un
peintre puisse durablement canaliser
votre premier regard par les seules
couleurs injectées dans
sa toile. Ce que réussit
pourtant Gadiaga par la seule force
de pigments qui, non contents de
s'inscrire sur un support, semblent
aussitôt l'imprégner
corps et âme. Un peu comme
si la toile elle-même était
devenue, un chant, un cri, un dialogue,
un partage. D'identité.
De foi. Un pari sur un avenir qui
n'aurait point à souffrir
des dérives anecdotiques
de l'expression fourre-tout, banalisée,
sorte de fast-food d'une sensibilité définitivement
aseptisée. Gadiaga n'est
pas de ceux-là qui affadissent
la créativité. Il
serait plutôt celui par qui
la peinture avoue, affirme tout
un avenir.
… Ses ocres, ses violets,
ses orangés, ses jaunes,
ses bruns et, bien évidemment,
ses bleus, mais depuis quelque
temps surtout ses rouges, ont quelque
chose de chaud, de vibrant et,
plus encore, d'envoûtant.
De tactile et de gustatif : non
content d'y enfoncer l'œil
jusqu'à la garde, ou d'entendre
ses couleurs vibrer comme des musiques
gorgées d'air et d'espace,
on voudrait les toucher, en manger...
Et c'est tellement plus rare qu'on
croit!
Enfin, et parce
qu'il ne fout rien laisser en
jachère,
il y a, mélangé à ces
colorations subtiles, l'au-delà des
toiles de Gadiaga. Ces signes épars
et comme innocents, ces formulations
qui ne disent jamais leur nom,
ces lignes, ces traits, ces associations
de plages plus ou moins disparates...
Et tout sauf gratuites.
Ces incidences-Ià sont,
en effet, le ferment du travail
de Gadiaga. Sa raison d'être
et de peindre. Son écriture
mentale et morale. le flux et le
reflux d'un savoir et de frémissements
liés à son identité d'Africain
qui peint pour nous raconter, dans
une langue accessible et universelle,
l'âme si particulière
de l'Afrique profonde. Pour cela,
j'aime les peintures de Gadiaga!
ROGER PIERRE TURINE
Membre de l' AlCA
|