Nous
avions une vague idée
de ce que représentait
l’artiste peintre, Bernardin
Bationo. Pour tout vous dire,
nous ne le connaissions pas vraiment,
avant de le rencontrer le lundi
21 mars 2005, à la Fondation
Olorun. Nous l’avons découvert
comme on le fait d’une œuvre
d’art en allant au musée
ou dans une galerie. Notre premier
contact s’est fait au téléphone.
Et l’homme nous est apparu
affable.
Comme
un dessinateur qui fait des esquisses,
Bernardin
Bationo
nous introduit au cœur de
ses œuvres qu’il a exposées à la
Fondation Olorun. Au fur et à mesure
qu’on avance, les choses
se précisent, nous disons
bien les choses et non pas
les
silhouettes. Les silhouettes
restent difficilement
identifiables
sinon qu’il est impossible
de discerner quoi que ce soit en
elles. Et pourtant elles parlent,
les silhouettes ! Notre artiste
peintre les fait parler. Elles
sont omniprésentes sur toutes
les toiles de Bernardin. Désincarnées
et muettes, les silhouettes de
notre artiste ne sont pas sans
sentiments, elles inspirent et
interpellent. « Je travaille
avec ce qui existe dans l’environnement.
Et le premier élément
de ce qui m’entoure, c’est
l’homme ; c’est pourquoi
mes silhouettes sont d’apparence
humaine. »
Le
mutisme apparent qui se dégage
de certaines toiles est cependant
d’une éloquence troublante. « Cohabitation » est
ce tableau, réceptacle du
vécu quotidien de l’être
: le bien cohabite avec le mal
; le bon avec le mauvais ; le beau
avec le laid ; le propre avec le
sale ; le chaud avec le froid,
etc. Que dire de la représentation
de « Mea culpa » !
Nul n’est parfait en ce monde,
lance l’artiste, qui ne juge
personne, mais constate tout simplement
que chacun a une part de responsabilité dans
tout ce qui lui arrive.
Peindre
est une thérapie...
Bernardin,
qui a choisi l’art
pictural pour s’exprimer,
dit que peindre est d’abord
pour lui une sorte de thérapie, « quand
j’ai l’inspiration,
je broie du noir, je suis de mauvaise
humeur. Et lorsque je me mets à peindre,
c’est comme si je me défoulais
; après la réalisation
de l’œuvre, je me sens
décompressé. » Quand
il peint, c’est toujours
pour transmettre aussi un message.
Mais
celui-ci est-il toujours compris,
quand on sait
que l’œuvre
d’art, surtout cette forme
d’art qui rejette la représentation
de la réalité, qu’on
appelle art abstrait, n’est
pas évidente ? En tout état
de cause, Bernardin dit que ses œuvres
sont beaucoup appréciées.
Et quand on l’appelle pour
lui dire « Ecoute, Bernardin,
j’ai vu ton tableau intitulé « Confidence », ça
m’a touché, c’est
bien », c’est cela
qui fait sa satisfaction.
Mais
Bernardin n’adresse
pas son message uniquement à ses
contemporains, il parle à la
postérité, car, pour
lui, le monde est semblable à un
vase dans lequel chacun est appelé à déposer
quelque chose en guise de contribution à la
construction de la nation ; en
cela, cet autre tableau nommé « Un
peu de saveur » résume
l’appel de l’artiste
pour que chacun donne, à quelque
niveau qu’il se trouve, le
meilleur de lui-même pour
un monde meilleur.
Reconnaître sa part de responsabilité et
faire son mea culpa, accepter que
la perfection n’est pas de
ce monde et contribuer à améliorer
la société, dans
laquelle tout cohabite, sont autant
de verbes que le silence des toiles
de Bernardin Bationo exhale.
Agnan Kayorgo
Encadré Bernardin Bationo à la
loupe
Né à Réo
il y a un peu plus de trois décennies,
l’artiste peintre du Sanguié a
débuté sa vie d’artiste
depuis sa tendre enfance. Enfant
de chœur, on raconte que Bernardin
Bationo était sensible aux
statues de l’église
de sa paroisse à telle enseigne
qu’il souffrait de les voir
se désagréger ; et
il entreprenait dès lors
de les reconstituer, à sa
manière, avec de l’argile.
Admis
au petit séminaire
de Koudougou, notre artiste en
herbe suspendit son amour pour
le modelage à l’argile
au profit de sa nouvelle vocation
de futur prêtre. Il entendra
après l’appel à la
vie d’artiste et sera formé ainsi à la
sculpture, d’abord au centre
national d’artisanats d’art
de Ouagadougou, puis à la
peinture à l’ex-Académie
des arts de Ouagadougou. Bernardin
conservera de ces années
le souvenir d’une harmonie
et d’une paix intérieure
qui ne l’ont jamais quitté.
Il se consacre à la peinture,
en fait son sacerdoce et son mode
d’expression.
Engagé dans un combat à mains
nues, ou plutôt ayant pour
seules armes des pinceaux et une
palette de couleurs faite d’éléments
naturels, Bernardin Bationo veut
rappeler à tous la force
d’un message d’harmonie
que le temps ne saurait altérer,
car il est la réponse aux
interrogations et aux doutes de
ce monde.
Dans
son parcours d’artiste
peintre, il a suvi plusieurs formations.
1982-1985 : dessin et sculpture
au CNAA de Ouagadougou ; 1985-1986
: moniteur d’initiation à l’artisanat
d’arts au CENABA de Koudougou
; 1986-1989 : dessin et peinture à l’Ecole
des arts plastiques, ex-Académie
de Ouagadougou ; 1990-1994 : il
fréquente des ateliers privés à Ouagadougou
; 1997- 2003 : il s’installe à la
Fondation Olorun.
Les
techniques utilisées
par Bernardin Bationo dans la peinture
sont les pigments naturels sur
toiles et papier. Certaines de
ses œuvres ont été sélectionnées
pour des expositions en Afrique
et en Europe : Galerie Olorun (Ouagadougou,
septembre 1999) ; Galerie Alevina
(Port Gentil, Gabon, Mars 2002)
; Galerie Faso Design (Lyon, décembre
2003) ; Alter Mundi au Viaduc des
arts (Paris, 2004) ; Galerie du
Thé Groenlo (Hollande, avril
2004). Depuis, Bernardin Bationo
vit et travaille dans son atelier à Ouagadougou.
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